Extrait de Science&Santé, Numéro 20 – Mai-Juin 2014

 

Les Français sont de plus en plus nombreux à se laisser séduire par l’acupuncture, l’ostéopathie, la méditation, l’hypnose…

Quels principes sous-tendent ces pratiques ? Et surtout, quelle est leur efficacité ? Réponses…

L’engouement des Français pour les médecines complémentaires se confirme.  Même si la plupart consultent d’abord leur médecin traitant en cas de problème, les Français sont de plus en plus nombreux à quitter le cadre balisé des soins conventionnels et à se laisser séduire par l’acupuncture, l’ostéopathie, la méditation, l’hypnose… Alors que les soignants eux-mêmes recourent de plus en plus à ces outils thérapeutiques non conventionnels, quels principes sous-tendent ces pratiques ? Peut-on les regrouper sous un même terme ? Et surtout, quelle est leur efficacité ? Les essais cliniques permettent-ils d’apporter des preuves ?

 

Qu’est-ce qu’une médecine alternative ?

Alternative ou complémentaire, douce, parallèle, traditionnelle, non conventionnelle…, les vocables abondent pour
désigner les pratiques thérapeutiques autres que la médecine dite allopathique à la base de notre système de santé. Deux caractéristiques essentielles rassemblent ces méthodes et les distinguent de la médecine occidentale fondée sur une validation scientifique par des essais cliniques et/ou un consensus de la communauté professionnelle. D’une part, le patient ne consulte pas nécessairement un praticien diplômé de médecine et, d’autre part, les soins reposent non pas sur la prescription de médicaments, mais sur des manipulations, la prise ou l’application de produits « non chimiques » (aiguilles, matières minérales ou végétales, lumière…). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénombré plus de 400 de ces médecines alternatives et complémentaires, qu’il s’agisse de méthodes fondées sur des produits naturels (phytothérapie, aromathérapie…), de techniques axées sur la manipulation (ostéopathie, chiropraxie…), de thérapies du corps et de l’esprit (hypnothérapie, méditation, sophrologie…) ou de systèmes complets reposant sur des théories (acupuncture, homéopathie…). Impossible, par conséquent, de parler de ces soins comme d’un tout homogène.

 

Qui consulte ?

On lira dans le rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) publié en octobre 2012 que 70 % des habitants de l’Union européenne ont fait appel à une thérapie complémentaire au moins une fois dans leur vie et que 25 % y recourent chaque année. Le taux d’utilisation dépend des maladies et atteint par exemple 80 % chez les patients souffrant de cancer. Selon un sondage de l’Ifop de novembre 2007 pour SPAS Organisation, société spécialisée dans l’organisation et la gestion d’événements dédiés au bien-être, 39 % des Français se tournent vers ces thérapies majoritairement laissées à la charge des patients et de leurs assurances privées, et sollicitent en priorité l’homéopathie, l’ostéopathie et la phytothérapie. Les enjeux économiques sont évidemment très importants. Le marché mondial de la médecine traditionnelle est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros par l’OMS.

 

Pourquoi adopter ces médecines ?

Prendre moins de médicaments et échapper ainsi aux inconvénients dont leurs effets sont parfois assortis : telle est la première raison invoquée par les Français, échaudés par les scandales sanitaires liés à l’industrie pharmaceutique,
selon le rapport du CGSP. Une façon de justifier leur engouement à l’égard des médecines complémentaires considérées, parfois à tort, comme dénuées de risque ! D’évidence aussi, un nombre croissant de patients éprouvent le sentiment qu’un excès de technique déshumanise le soin. Par ailleurs, ils se sentent mieux entendus et mieux compris par les praticiens non conventionnels qui, en outre, ne limitent pas la durée moyenne d’une consultation à 12 minutes, comme les médecins conventionnels.
Pour autant, « le rejet radical de la médecine allopathique reste très minoritaire, fait observer Mathilde Reynaudi, chargée de mission au CGSP. La majorité des malades consultent leur médecin traitant avant  de s’adresser à un thérapeute non conventionnel. »

 

Comment sont formés les praticiens ?
Certaines formations sont sanctionnées par un diplôme reconnu par l’État ou le Conseil de l’Ordre et d’autres pas. Certaines se déroulent sur plusieurs années, d’autres sur quelques week-ends seulement, sans que l’étudiant voie un patient. « Les niveaux de formation des acteurs intervenant dans le champ des médecines complémentaires sont très inégaux, constate Mathilde Reynaudi, auteur d’une note d’analyse sur les médecines non conventionnelles pour le CGSP. L’offre en la matière mêle des professionnels de santé allopathes (médecins, kinésithérapeutes, infirmiers, sages-femmes…) et des praticiens « non professionnels de santé » qui encourent parfois l’accusation d’exercice illégal de la médecine. En l’absence de sanctions et de moyens donnés aux patients pour trier les professionnels compétents et les pseudo-thérapeutes, certains praticiens ont terni et ternissent l’image de nombreuses pratiques. »
Pire : la maladie peut servir de porte d’entrée à des mouvements sectaires qui profitent de la souffrance ou de l’inquiétude des malades, comme le montre le guide Santé et dérives sectaires de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), paru en avril 2012. Somme toute, « la plupart de ces thérapies ne sont pas réglementées et la formation des thérapeutes reste souvent rudimentaire », résume Mathilde Reynaudi dont le rapport préconise la création d’une plateforme grand public recensant les connaissances actuelles sur les médecines complémentaires et les praticiens du secteur, à l’instar de ce qui existe en Angleterre, aux États-Unis, en Norvège…

Le 4 mars 2002, la loi relative aux droits des malades et la qualité du système de santé est adoptée par le Parlement. L’ostéopathie est reconnue en France. L’usage professionnel du titre d’ostéopathe est dorénavant réservé aux personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l’ostéopathie délivrée par un établissement de formation (5 ans) agréé par le ministre chargé de la santé.

 

Quelle est leur place à l’hôpital ? 

Dans un rapport rendu public en mars 2013 et témoignant de la place prise par les thérapies complémentaires dans le paysage médical, l’Académie nationale de médecine juge « probablement excessive» l’attirance du public pour ces pratiques. Lesquelles, estiment les rapporteurs, « doivent rester à leur juste place : celle de méthodes adjuvantes pouvant compléter les moyens de la médecine » scientifique fondée sur les preuves. Le mouvement, néanmoins, est lancé. De nombreuses techniques complémentaires des traitements pharmacologiques ont fait leur entrée dans les hôpitaux, comme en témoigne la décision prise par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) de
faire figurer certaines de ces techniques dans son plan stratégique 2010-2014. Ainsi, à l’hôpital parisien
de la Pitié-Salpêtrière, le Centre intégré de médecine chinoise contribue à la prévention et au traitement des maladies chroniques ou difficiles, par l’évaluation des techniques de médecine chinoise (acupuncture, massage, Qi Gong…) et leur transposition en thérapeutique. Autre exemple : les quelque 125 structures de lutte contre
la douleur qui accueillent des patients souffrant de douleurs chroniques, cancéreuses ou non, font
fréquemment appel à des techniques psychocorporelles comme l’hypnose, l’acupuncture et
la relaxation, mais aussi l’ostéopathie, l’auriculothérapie, la mésothérapie… « Ces thérapies, dont l’innocuité est quasi absolue, et qui ne coûtent pas cher, peuvent rendre de grands services aux patients intolérants aux traitements pharmacologiques classiques, assure Nadine Attal, du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de l’hôpital Ambroise-Paré, à Boulogne-Billancourt.
Elles peuvent apporter un bénéfice à ces malades qui présentent souvent des polypathologies très invalidantes en soulageant leur douleur. »

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