« Il faut se garder de vouloir uniformiser les mentalités » Alexandra David-Néel
Le mal de dos, autrement appelé lombalgie, dorsalgie ou cervicalgie – selon sa localisation – est très fréquent aujourd’hui dans notre société. Beaucoup d’idées préconçues sont ancrées dans les esprits, et il convient de lever le voile sur certaines d’entre-elles, de supprimer certaines croyances face à la douleur.
Si vous avez pu lire mon précédent article sur « La douleur », ce sujet le complétera, et vous aidera à mieux comprendre les liens qui unissent notre corps, et ses expressions.
Le fait de « remettre une vertèbre en place », ou encore de « ne pas courir pour ne pas abîmer mes genoux et mon dos » est inapproprié, et peut même devenir délétère à terme pour chacun.
Explications…
Qui n’a jamais parlé d’une vertèbre bloquée voire même déplacée ? Je rassure très souvent mes patients sur le fait que si véritablement une de leur vertèbre était déplacée, ils ne pourraient même plus bouger, ce serait la paralysie. Seul un accident corporel très grave (type accident de la route par exemple) pourrait occasionner ce genre de mécanisme, et il ne relèverait pas de l’ostéopathie pour les premiers soins.
Mais pourquoi doit-on faire attention à ses propos ?
Rappelons la définition de la douleur : «La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en ces termes».
Il ne s’agit pas nécessairement d’une lésion tissulaire à l’endroit de la douleur. Ce qui signifie que si vous avez mal au dos, il est très probable (90-95%) que vos lombaires aillent bien. Dans la très grande majorité des cas, ces douleurs sont liées à des muscles contracturés, des ligaments en perte d’élasticité, ou des nerfs qui peuvent être comprimés, et l’ostéopathe sera efficace pour y remédier.
Il arrive parfois que la colonne vertébrale soit touchée par une dégénérescence discale, de l’arthrose, ou une scoliose… Chose formidable, tous les patients qui ont ce genre de troubles ne souffrent pas tous ! Pour pallier aux éventuelles douleurs, l’ostéopathe s’adaptera au corps et ses contraintes, et recherchera un équilibre de mobilité, d’élasticité, et de cohérence posturale. Alors il convient de ne pas comparer la collègue qui s’est fait opérer de sa hernie discale et alitée 3 mois avec votre mal de dos, car chaque douleur est différente, chaque être est différent, et réagit de manière unique face au même problème en fonction des représentations.
Je vous renvoie une nouvelle fois à mon dernier article sur la douleur, la prédiction dirige la douleur. Cela signifie que si vous pensez avoir la même chose que la collègue et sa hernie, votre sensibilité à la douleur va augmenter et risquer de devenir très importante selon le contexte (bio psycho social). Autre fait, imaginer qu’un crack est lié à un déplacement d’une vertèbre, notre cortex cérébral va se le représenter et engendrer une peur, amplifiée par l’environnement autour de cette situation. Pourtant, le crack que l’on peut parfois entendre en manipulation manuelle est le signe d’un relâchement … Plutôt bon signe !
Pourquoi le mal de dos est-il le mal du siècle ?
Au siècle dernier, c’était la même histoire ! L’activité est une chose des plus importante. Le corps humain est fait pour rester en mouvement. Les postures statiques prolongées ne sont pas bonne pour le corps, car ça lui empêche de compenser l’enraidissement … par l’enraidissement !
C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, on parle du mal du siècle. Auparavant, on travaillait avec son corps, dans les champs pour cultiver, fabriquer… Désormais, beaucoup souffrent de par l’inactivité devant un ordinateur (sédentarité), la position prolongée en voiture, ou dans son canapé. Aujourd’hui, nous sommes capables après une journée de travail devant un écran, de passer encore du temps sur un second petit écran sans y bouger, dans un canapé ; c’est l’hypnose de l’écran. Et ça n’encourage pas à bouger !
Des exercices d’étirements, de renforcements musculaires, de relaxations peuvent être des outils supplémentaires pour améliorer l’état de santé en plus d’un traitement manuel (que parfois votre ostéopathe vous donnera).
Pour ceux qui travaillent sur chantier (comme j’en vois pas mal lors des formations en entreprise), l’intégration d’une routine d’échauffement avant la prise de poste peut s’avérer très bénéfique (cf Bouygues en précurseur), afin de préparer les capteurs proprioceptifs des articulations et des muscles à l’effort. Qui n’a jamais vu un sportif ne pas s’échauffer ? Une personne qui travaille toute la journée à porter des charges lourdes ou travailler avec son corps est un sportif de haut niveau dans son domaine.
Revenons sur le « crack » de la thérapie manuelle : le crack ne signifie pas douleur !
Bien des débats à ce sujet ont été soulevés et il en convient de faire un point.
La manipulation ostéo-articulaire réalisée en ostéopathie (ou une autre thérapie manuelle) a pour but de redonner de la mobilité dans l’articulation. Suite à cette manipulation, il y a un effet neuro-végétatif qui se créé, qui relâche ainsi les muscles péri-articulaire, ce qui donne cette sensation de relâchement instantanée. Selon les études, cette sensation dure entre 14 et 16min. Donc manipuler pour manipuler ne sert à rien. Le bon diagnostic de perte de mobilité est essentiel pour réussir à soigner et soulager un patient dans sa globalité.
Dans la très grande majorité des « cracks », il s’agit d’une libération de gaz dans l’articulation par décompression. C’est pour cela que parfois sur un même geste, on peut ne pas percevoir de bruit à la manipulation. Donc retenir que « ça n’a pas craqué donc je ne suis pas soigné » est une hérésie. Vous l’aurez compris, ces manipulations ne réalisent pas de frottement, même lorsque le bruit se fait tout seul sans l’aide d’un thérapeute. Seuls en cas d’arthrose très développée, des petits « cracks » en mouvement peuvent laisser penser à du frottement articulaire de par l’absence chronique de cartilage qui le protège.
« Plus la douleur est forte, plus il faut réagir ». Faux !
Ma douleur est mon signal d’alarme. Ce n’est pas l’intensité de la sonnette qui va expliquer si le feu est grand ou pas. Et en fonction des zones atteinte du corps, la réaction sera différente.
En effet, la priorité de protection des organes nobles est essentielle ; le cœur, les poumons doivent aller bien pour vivre correctement. C’est pour cela qu’une douleur costale va être nettement plus douloureuse comparée à la même dysfonction sur une autre structure telle que le bras, la jambe ou le bassin. Le cortex cérébral va amplifier l’intensité du signal d’alarme pour être sûre à 100 % de pouvoir réagir. Les urgences pourraient ainsi être désengorgées des pseudos infarctus du myocarde, qui en réalité sont renvoyés en cabinets pour diagnostic de névralgie intercostale… entre-autre.
« Je ne peux pas courir à cause de mes genoux, seul la natation est adaptée pour moi ».
Tant mieux si nager vous plaît, et ça ne convient pas à tout le monde. Selon le degré d’atteinte de vos genoux (arthrose, ménisque fissuré…), le repos comparé à l’activité physique va parfois être plus délétère sur le corps… Il convient de trouver la meilleure façon de bouger plus, selon chacun. Pour rappel, le corps est fait pour bouger, et il se rétablit par le mouvement. La nuit, nous nous réparons ; et nous bougeons !
« J’ai mal, donc je dois me reposer et arrêter de bouger ».
Qui dit repos, dit peu de mouvement, dit enraidissement, qui dit potentielle prise de poids (à long terme), qui dit plus de pression sur le corps… Dommage ! Même en cas de tendinite, il est parfois recommandé de seulement diminuer l’intensité de l’effort pour laisser le corps se « reposer » et se réparer, tout en traitant le problème auprès d’un spécialiste (bien-sûre).
« Si je réalise une activité physique suite à la consultation ostéopathique, je vais tout désordonner le traitement » FAUX
Bien-sûre l’accident de trottinette sera à éviter ! Le corps a besoin de retrouver un équilibre post traitement. Quand le patient est habitué à réaliser d’importantes performances physiques, quotidiennement ou presque, il convient d’adapter ce conseil à chaque patient. Une personne peu sportive devra d’avantage se mettre au repos qu’un sportif quotidien. Tout dépend de l’équilibre qu’il avait en pré-consultation. Un sportif de haut niveau peut donc tout à fait faire du sport après une consultation. Il pourra diminuer légèrement l’intensité de l’effort pour laisser le corps réagir correctement, en fonction de son état de fatigue. L’énergie pour changer les choses en dépendra.
Vous l’aurez compris, déconstruisons ce qui a été dit à tort, entendu, répété et déformé. Les fausses bonnes représentation sont un acteur majeur de douleur chronique, par croyance et anticipations.
Aidez-vous à ne plus faire de généralités, soyez acteur de votre prévention santé.
Ostéopathiquement,
Alexandre LEROUX
Ostéopathe D.O. MROF